ICKO

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C’est moi ICKO le chien à la gueule déglingue,

celui qu’une zébrure sur le museau distingue,

souvenir incrusté de lointaines blessures.

Je reviens de si loin, la route a été dure.

A de maintes reprises j’ai côtoyé la mort,

et souvent j’ai ouï tout près le son du cor,

mutilé, frappé, moi ICKO j’ai vécu ça,

et n’ai rencontré sur terre que Judas.

Fatigué, éreinté, les babines à vif,

je me suis échappé de chez mon tortionnaire

et j’ai tracé devant sans regarder derrière.

Au milieu des voitures je me suis faufilé,

et j’ai couru si vite inconscient du danger :

j’ai pris ce risque, moi ICKO le fugitif.

C’est moi ICKO, le chien à l’allure un peu dingue,

celui qu’une zébrure sur le museau distingue.

Je reviens de si loin, la route a été dure,

j’ai croisé tour à tour des hommes et des ordures.

C’est moi, ICKO, le chien de la belle de mai,

un souffle de souffrance dans ce pauvre quartier,

un jouet pour l’humain, un objet, un bâtard,

à la gueule tordue, au regard de loubard.

ICKO le blond, le pouilleux, le balafré,

un petit chien de rien sans aucun pédigrée,

délaissé, rejeté. Moi ICKO au cœur pur,

j’ai échappé à tout et même à la piqûre.

J’ai tutoyé la mort avec sa robe sombre,

qui m’a conduit aux portes de la cité des ombres.

Mais quand sur mon destin les anges délibèrent

de la grande faucheuse toujours ils me libèrent.

Même si de la vie je n’ai connu que la misère. 

Ne serais-je donc né que pour cette souffrance ?

Ne souffrirait-elle pas quelques intermittences ?

N’y at-il pas un coin, un refuge un repère,

où je puisse dormir tranquille en mon panier

et goûter au bonheur d’un petit chien aimé ?

Moi ICKO , le cleps, le clébard, je me rebelle.

Je ne regrette pas de m’être fait la belle,

car quand finit la nuit vient forcément l’aurore

et que sur mon destin un ange veille encore.

Moi ICKO le toutou au museau supplicié,

comme un miraculé je reviens vous parler.

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