MON ENGAGEMENT D’AVOCAT POUR LES ANIMAUX

Date

Il est des rêves d’enfant tenaces, prégnants, qui collent à la vie, qui murissent doucement, en silence, cloisonnés dans un espace d’irréalité ; c’est la part de rêve de chacun … Et soudain, au détour d’un acte posé, d’une fulgurance, la porte de l’inaccessible s’ouvre. “Pas de bête qui n’ait un reflet d’infini.” Victor Hugo
Cet acte, c’est l’adoption de ICKO en 2015, un petit chien balafré par un méchant ; il a deux échancrures de chaque côté du museau. Il reste vif, joyeux, résiliant diraient les psychiatres. Mais le mal l’a aussi rongé à l’intérieur, et s’il essaie d’exister, il demeure craintif, rampe quand on l’appelle, se cache quand il y a des gens. La peur ne le quittera jamais, malgré l’amour.
J’ai suivi de près l’enquête, et la mise en garde à vue du suspect qui a reconnu « avoir fait une connerie ». Et j’ai pris de plein fouet dans ma gueule un classement sans suite inique, signifiant à la fois un cadeau au tortionnaire, et un mépris sidéral pour le travail de police. J’ai alors mis mon museau dans ce contentieux, et découvert avec effroi, les refus de prendre les plaintes, celles non traitées, les classements sans suite à foison, l’ectoplasme du recours hiérarchique, les rappels à la loi, les réponses homéopathiques dites alternatives aux poursuites…
Sans voix et sans défense, les animaux sont les derniers rouages du système judiciaire qui refuse de voir l’ignominie en face par facilité, complaisance, ou peut-être pire, par indifférence. « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. Einstein Omniprésent, ICKO a réveillé mes ardeurs judiciaires, m’a redonné le goût de la lutte, et fait dériver subrepticement ma foi de l’humain vers l’animal. 30 ans passés à sonder l’âme humaine, défendre tel ou tel, chercher des excuses ou circonstances atténuantes, débusquer une part de lumière dans des âmes obscurcies… Entendre l’inaudible parfois, comme cette femme dont le mari était tellement jaloux qu’il avait peint les vitres des fenêtres pour qu’elle ne voit plus le soleil… Des humains, on les appelle comme ça. Délinquants ou même victimes, aucun n’aura la pureté ni l’innocence des animaux.

« Les animaux, eux, ont une pureté que l’homme a définitivement perdue.» Brigitte Bardot
Un jour, la coupe de l’humanité et de sa perfidie s’est trouvée pleine. J’ai aimé ce métier jusqu’à satiété, et le temps est venu où je n’ai voulu défendre plus que des animaux. Car à travers un c’est la cause entière et l’immense douleur du peuple des sans voix qui est enfin posée sur le bureau du juge.
J’ai cédé à des jeunes confrères mes dossiers de divorces, larcins, escroqueries, mariages gris… tout un arsenal de joyeusetés qui caractérise notre espèce. Obéissant à un instinct et magnétisée par l’ailleurs j’ai quitté professionnellement le monde des humains.
Par la conjugaison de deux passions, le droit pénal et les animaux, j’ai commencé à les défendre comme s’ils étaient humains, pour eux-mêmes. Car si la question de la personnalité juridique est âprement débattue au civil, elle a tout autant d’intérêt au pénal, car c’est bien l’animal qui a souffert dans sa chair ou qui a perdu la vie, et pas le client le plus souvent associatif. Moquée à mes débuts, puis combattue par des juristes à faisceau étroit, l’évidence du nouveau mandat de l’avocat point, prend enfin corps, s’impose :
« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite elle subit une forte opposition. Puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. » Arthur Schopenhauer
Si le rapprochement avec l’humain semble audacieux, il est notre futur. Forcément. Un jour viendra où la France réduira l’espace de répression entre les sévices ou actes de cruauté de l’article 521-1 du code pénal, et les tortures et actes de barbarie. Et d’ailleurs si les vocables diffèrent, n’y a-t-il pas une identité de sens ? Faire souffrir, ou donner la mort obéit au même mécanisme de passage à l’acte, c’est le même geste homicide, que la que la victime soit humaine ou animale. Et pour les incrédules, il est bon de rappeler que la barbarie n’a pas de patrie, qu’elle est un mal en soi, qu’elle menace de se déplacer de la bête à l’humain, et que preuve en est que bien des serial killers comme Luka Magnotta ou Edmund Kemper se sont d’abord entrainés sur des animaux.
« En cruauté impitoyable, l’homme ne le cède à aucun tigre, à aucune hyène »Arthur Schopenhauer
Je porte désormais ma robe pour eux, et des juristes adhèrent à cette idée de la nécessaire défense des personnes animales. Procès après procès, pas-à-pas, et avec mon équipe, leur voix se fait entendre dans les prétoires, on avance, et sont laissés sur le bas-côté de la route judiciaire ceux qui les ignorent encore, ou qui contra legem persistent à les considérer comme des objets. Une conception archaïque, infatuée, combattue par des mouvements en faveur de la cause animale qui sillonnent la planète.
«La grandeur d’une nation et ses progrès moraux peuvent être jugés de la manière dont elle traite les animaux.» Mahatma GANDHI
Pour ancrer ce défi, le faire perdurer par-delà mon départ du barreau dans quelques années, j’ai créé une association, dont l’objet social est de lever des fonds pour assurer la défense des animaux, que partout en France il y ait une réponse judiciaire aux actes vils qu’on leur inflige, pour que simplement la loi soit appliquée. Et de sortir les « cold cases », de faire des recours hiérarchiques, des citations directes, des actions pour euthanasie abusive, et pourquoi pas des plaintes avec constitution de partie civile. Et des avocates se glissent dans cette brèche de lumière pour eux, et me donnent de l’allant. Elles sont jeunes et amoureuses des animaux, elles sont leur avenir judiciaire, la relève, s’investiront, les défendront bec et ongles. J’ai confiance, je sais que l’œuvre perdurera à travers Défense & Dignité Animales, qu’un jour proche il y aura partout en France un avocat prêt à mettre sa robe, pour parler, plaider pour nos sans voix.

Extrait du Mag des avocats

Cliquez ici pour télécharger le PDF

Plus
d'articles